ADRIC – Laïcité

Repères théoriques et juridiques

Culture(s)
La diversité culturelle est souvent assimilée à la présence d’étrangers parmi les nationaux. Pourtant, l’hétérogénéité culturelle traverse les nationaux eux-mêmes dans la mesure où ils se définissent par leur multi-dimensionnalité culturelle. Chaque culture, y compris les cultures individuelles, est composée de subcultures variées. En France, comme ailleurs, la culture nationale se compose de cultures à la fois spécifiques et diverses.

Cultures générationnelles

Il y a toujours eu des pratiques culturelles générationnelles, mais elles étaient bien moins marquées qu’aujourd’hui et bien moins nombreuses. Désormais, il existe de multiples générations, notamment dans les tranches d’âges les plus jeunes. Ce changement se repère aussi à l’autre bout de la chaîne par l’apparition de pratiques culturelles caractéristiques des seniors. Une tranche d’âge a tendance à devenir une communauté, avec ses rites, ses croyances, ses valeurs et ses tabous.

Cultures professionnelles
Chaque métier sécrète ses propres pratiques culturelles qui sont autant de marques distinctives, comme des rites d’appartenance, des signes de solidarité, des manières de se différencier des autres. Il existe une culture du monde médical, du monde juridique, une (ou des) culture(s) ouvrière(s), une (ou des) culture(s) rurale(s).

Cultures régionales
L’existence et la vivacité des cultures régionales n’ont jamais été aussi fortes, malgré l’omniprésence, apparemment uniformisante, des médias. Les revendications patrimoniales et identitaires pour préserver l’identité historique locale n’ont jamais été aussi nombreuses qu’aujourd’hui.

Cultures étrangères
Les cultures venues d’ailleurs peuvent avoir d’autres racines historiques que la culture nationale et se manifestent par d’autres habitudes, souvent d’autres croyances.

Les mélanges culturels
Ces diverses cultures coexistent et peuvent être coprésentes à l’intérieur d’une même personnalité. Chacun d’entre nous s’inscrit dans plusieurs appartenances. Cette multiplicité compose l’identité. En effet, il n’existe aucune « culture pure » qui se serait conservée intacte. Toute culture est un mélange, un métissage élaboré au fil des siècles qui, peu à peu, a conquis son originalité, sa définition, ses spécificités.
« L’enjeu interculturel est de faire en sorte que cette pluralité culturelle ne soit pas celle d’une juxtaposition sans porosité ni interpénétration, fixe et construite sur des séparations et des enfermements. Au contraire, l’option interculturelle permet d’instaurer et d’alimenter sans cesse les circulations entre les cultures, les échanges, les passerelles (qu’on emprunte dans les deux sens). Elle permet de mettre en commun sans renoncer à sa singularité. »

Ethnocentrisme et relativisme culturel

L’ethnocentrisme se manifeste, plus ou moins consciemment, par :
1. la tendance à privilégier les valeurs et les formes culturelles du groupe ethnique auquel on appartient ;
2. la tendance à évaluer toute chose selon les valeurs et les normes de son groupe d’appartenance, comme s’il était l’unique modèle de référence ;
3. la tendance à se croire meilleur que les membres des autres groupes.
L’ethnocentrisme constitue ainsi un ensemble d’attitudes favorables à l’égard de l’endogroupe et d’attitudes défavorables à l’égard des exogroupes, ces derniers faisant l’objet de préjugés et de représentations négatives, accompagnés de mépris ou d’aversion. Cette attitude d’autopréférence est universellement observable.

Dans les pratiques professionnelles, il convient de distinguer le relativisme culturel en tant que concept anthropologique et l’utilisation concrète qui en est actuellement faite, notamment à l’encontre des personnes issues des immigrations. En effet, le relativisme culturel ne doit pas servir à justifier des pratiques violentes et/ou discriminantes. Ainsi, l’atteinte à l’intégrité physique et morale des individus est un critère qui autorise à dénoncer les pratiques culturelles, sans pour autant être ethnocentristes ou racistes. Bien au contraire, ne pas agir, sous prétexte d’une bienveillante neutralité, nous rend co-responsables du maintien ou du renforcement de ces pratiques dites culturelles. Un exemple significatif en est fourni par l’excision. Les valeurs sous-entendues par l’égalité entre les sexes, la liberté et les droits humains sont des acquis de la culture démocratique et ne peuvent être relativisées sous prétexte d’être des acquis de l’histoire occidentale. Elles résultent de l’histoire sociopolitique, comme en témoigne l’histoire des luttes pour les droits humains dans les pays non-occidentaux. L’affirmation selon laquelle les droits des individus seraient culturellement ou religieusement déterminés, remet en cause le principe d’égalité entre les individus alors catégorisées en fonction de leur origine, culture ou religion, mais aussi le principe de l’universalité des libertés et des droits fondamentaux.
Refuser le relativisme culturel, tout en prenant en compte la diversité culturelle, peut aider à mieux agir contre les discriminations et les violences.

Foi et loi

Toute religion entend relier les humains par une vision spirituelle. L’idéologisation de la religion, quant à elle, s’appuie sur la transformation de la foi en une loi qui s’impose pour diriger la vie sociale, individuelle et politique des citoyens.
La politisation du religieux renforce la guerre entre religions, mais aussi la répression, au sein d’une même communauté religieuse, des personnes qui n’adhèrent pas à la version idéologique dominante. Les phénomènes politico-religieux ne sont pas l’expression d’une spiritualité, mais d’une stratégie politique.

Racisme
Attitude individuelle ou pratique institutionnelle, le racisme est une idéologie fondée sur une croyance qui postule une hiérarchisation entre les êtres humains selon leur origine ethnique ou leur couleur. Il présente cette hiérarchie comme un fait naturel et donc immuable.
Le philosophe et écrivain Albert Memmi définit le racisme comme « la valorisation, généralisée et définitive, de différences réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de la victime, afin de justifier une agression ou un privilège. » Il analyse le racisme comme un mécanisme à trois éléments :
• une catégorisation par une mise en évidence des différences ;
• une hiérarchisation par la valorisation de ces différences ;
• la perpétration d’une discrimination ou d’une violence.

Memmi insiste sur le fait qu’aucun de ces trois éléments pris séparément ne constitue à lui seul un mécanisme de racisme. (Le racisme, 1994) Le racisme se traduit par des actes d’hostilité, ou de discrimination, et s’exprime sous différentes formes en fonction des catégories visées : antisémitisme, racisme arabo-musulman…

L’antisémitisme prend les juifs comme boucs émissaires de tous les problèmes sociaux, économiques ou politiques. À la différence des autres formes de racisme, il ne se limite pas à l’infériorisation de ses victimes, mais il les crédite d’un pouvoir occulte. Ce soupçon d’un prétendu complot juif renvoie aux théories qui accusent les juifs de vouloir dominer le monde. L’antisémitisme ne vise pas les sémites dans leur ensemble, c’est-à-dire les peuples de langues sémitiques, mais spécifiquement les juifs. Il faudrait donc plus correctement l’appeler haine anti-juive.
Le racisme contre les arabo-musulmans désigne la peur et le rejet des arabo-musulmans ou de ceux supposés l’être. Il constitue une forme du racisme moderne, notamment dans les pays d’immigration accueillant des populations venues des pays anciennement colonisés.

Les sectes et le religieux
Si la liberté de conscience est un principe fondamental et si l’État n’a pas à intervenir sur le contenu des doctrines et des religions, les agissements des sectes posent problème en matière d’ordre public, de droit des personnes et de défense des mineurs.
Des institutions ont été créées pour étudier ces phénomènes et assurer une fonction de vigilance. Des actions préventives sont menées à destination du grand public (diffusion de guides), et des circulaires sur la protection des mineurs sont émises. Ces institutions publient aussi des rapports annuels et des enquêtes. Deux lois sont issues de ces études, l’une en 1998 pour renforcer le contrôle de la scolarité obligatoire, l’autre en 2001 pour « renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales ». Cette dernière prévoit la dissolution des organisations qui créent et exploitent une « sujétion psychologique ou physique », ainsi que des sanctions
pénales (notamment au motif d’abus de faiblesse) pour ceux qui abusent des personnes mises dans cet « état de sujétion ». La justice peut poursuivre une secte sur des bases pénales, fiscales ou du droit du travail. De nombreuses enquêtes et actions judiciaires font suite à des plaintes de victimes ou de leur famille pour escroquerie ou violences. D’autres actions sont menées pour la protection des mineurs : aux termes de l’article 375 du Code Civil, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées quand la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises.
En défense, les sectes invoquent la liberté d’expression, de conscience et d’association, et dénoncent les entraves à leur action comme étant des discriminations. Elles pratiquent un lobbying actif en Europe et sont soutenues par l’administration américaine qui considère, dans ses rapports annuels sur la liberté religieuse dans le monde, que la législation française est de l’ordre de la persécution religieuse. Pourtant, bien des pratiques sectaires vont à l’encontre des droits humains.

Inhumations et cimetières

On croit souvent que les cimetières en France sont chrétiens, alors qu’ils sont en réalité laïques. Leur laïcisation a été opérée par les lois du 14 novembre 1881 et du 5 avril 1884.
Aux termes de la loi de 1884, il est interdit au maire, dans « le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations », « d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort. » (art. L. 2213-9 du Code général des collectivités territoriales).

Plus tard, par deux circulaires du 28 novembre 1975 et du 14 février 1991, le Ministre de l’Intérieur indique aux maires la possibilité de regrouper, dans les faits, les sépultures de défunts souhaitant être inhumés dans un carré propre à leur religion, sur demande des personnes qualifiées pour pourvoir à leurs funérailles. Cette faculté qui appartient à la seule autorité municipale, s’applique sous réserve de la préservation de la neutralité du cimetière. Ainsi, si la présence de signes religieux et la célébration de rituels sont autorisées, les carrés confessionnels ne doivent pas être clos.

Droits humains
Tout être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit positif en vigueur ou les autres facteurs locaux tels que l’ethnie, la nationalité, le sexe ou d’autres caractéristiques. Ces droits sont fondés sur la raison et non sur des particularismes culturels. Ainsi, chaque individu, en tant que tel et indépendamment de sa condition sociale, possède des droits inhérents à sa personne, inaliénables et opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir. Personne ne peut perdre ces droits, temporairement ou définitivement, volontairement.
Les droits humains sont par définition universels et égalitaires, incompatibles avec les systèmes et les régimes fondés sur la supériorité ou la « vocation historique » d’une caste, d’un peuple, d’une classe ou d’un quelconque groupe social ; incompatibles aussi avec l’idée que la construction d’une société meilleure justifie l’élimination ou l’oppression de ceux qui sont censés faire obstacle à cette édification.
Les droits humains sont généralement reconnus dans les pays occidentaux par la loi, par des normes de valeur constitutionnelle ou par des conventions internationales qui assurent leur respect, même contre l’État. Les droits humains sont supérieurs à toute autre norme.

Genèse des droits humains
La Magna Carta (1215) qui n’a véritablement été utilisée qu’à partir du XVIIe siècle comme instrument pour combattre l’absolutisme royal, est considérée dans le monde anglo-saxon comme la base du concept actuel de droits humains.
La première déclaration des droits humains de l’époque moderne est celle de l’État de Virginie (États-Unis) adoptée en 1776. Elle a largement inspiré Thomas Jefferson pour la déclaration des droits humains incluse dans la Déclaration d’Indépendance des États-Unis (4 juillet 1776), puis l’Assemblée française pour la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789), et enfin l’ONU pour la Déclaration universelle des Droits de l’Homme votée en 1948.
Le rôle de l’ONU dans la légitimation et la promotion des droits humains est essentiel : cette organisation a été la première à inscrire le qualificatif « universel » dans une déclaration des droits humains.

Droits des enfants

Convention internationale des droits de l’enfant (1989)
Après 10 ans de préparation par des représentants de différents pays, sociétés et religions, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant voit le jour en 1989. Elle concerne tous les enfants de la naissance à leur majorité (18 ans) et a été signée par 193 pays, soit tous les pays du monde à l’exception des États-Unis et de la Somalie.

Les pays signataires s’engagent à assurer des droits fondamentaux aux enfants, à savoir :
1. des droits civils : le droit d’avoir un nom, une nationalité et d’accéder à la justice ;
2. des droits politiques : le droit d’avoir des opinions et de les exprimer, la protection contre les mauvais traitements ;
3. des droits économiques : le droit à un niveau de vie suffisant (une maison, des vêtements, de la nourriture) et la protection contre le travail forcé ;
4. des droits sociaux : le droit d’être nourri et soigné par des médecins, la protection en cas de guerre (les enfants n’ont pas le droit d’être soldat avant 15 ans) ;
5. des droits culturels : le droit d’être éduqué (l’enseignement primaire doit être obligatoire et gratuit pour tous) et le droit d’avoir des loisirs.
Avant cette convention, d’autres textes internationaux avaient déjà reconnu la nécessité d’accorder une protection spécifique à l’enfant, comme la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant, la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, et la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par les Nations Unies en 1959.
Mais c’est la Convention internationale des droits de l’enfant qui constitue réellement un texte fondateur à l’échelle mondiale, car elle fédère les États du monde autour d’une même volonté d’assurer la protection de l’enfant et de le reconnaître comme un sujet de droits.
Le 25 mai 2000, deux protocoles additionnels facultatifs ont été adjoints à la Convention :
1. Le premier, entré en vigueur le 18 janvier 2002, porte sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ; il a été ratifié par 126 pays. Les États s’engagent notamment à qualifier ces activités comme des infractions, à les réprimer pénalement et à assurer une protection aux enfants victimes de ces actes.
2. Le second, entré en vigueur le 12 février 2002, concerne l’implication des enfants dans les conflits armés ; il a été ratifié par 120 pays. Les États s’engagent notamment à prohiber l’engagement volontaire en dessous de 16 ans et à prendre des mesures pour empêcher l’enrôlement d’enfants de moins de 18 ans par des groupes armés autres que l’armée étatique.
La France a ratifié les deux protocoles additionnels le 5 février 2003. Mais tous les pays qui ont ratifié la Convention n’ont pas nécessairement ratifié ces protocoles. Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de cette Convention en septembre 1990, de nombreuses lois ont été promulguées en France pour adapter le droit français à certaines de ses dispositions.

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